Le projet immobilier d’un habitat API

Pourquoi c'est essentiel ?

L’habitat API associe des logements regroupés ou partagés et des espaces communs pour créer un environnement favorable à la perte d’autonomie. Si le projet de vie sociale et partagée est au cœur de cet habitat, il est important que les lieux soient adaptés pour le soutenir. Le projet immobilier doit s’inscrire très rapidement dans la réflexion du porteur de projet dans la mesure où projet social et projet immobilier sont interdépendants. Il s’appuie sur le diagnostic territorial préalable pour aboutir à la réalisation d’un cahier des charges architectural le plus précis possible sur lequel s’appuyer. La recherche du foncier est une étape complexe notamment dans les zones tendues. La phase de diagnostic territorial permet d’identifier les acteurs sur lesquels s’appuyer. Le montage juridique est tout aussi fondamental. Plusieurs choix s’offrent aux porteurs de projet et plusieurs personnes juridiques peuvent composer le projet final : - le propriétaire du foncier (le terrain) ; - le propriétaire du bâti, qui est souvent le propriétaire du foncier, sauf dans le cas de montage dissociant le foncier et le bâti (via des organismes de foncier solidaire OFS, par exemple, ou des baux emphytéotiques, ou des baux à construction) ; - le ou les bailleurs, assurant la gestion locative (loyers, travaux) ; - l’animateur du projet de vie sociale et partagée, place généralement conservée par le porteur de projet dans la plupart des habitats API.

Le projet architectural

Les contours du projet immobilier, son envergure et sa conception auront un impact tant sur l’équilibre économique que sur la dynamique sociale. L’enjeu est donc une cohérence entre le programme architectural, le projet social, le modèle économique et les besoins et attentes du public. Voici quelques-uns des questionnements majeurs : - logements partagés ou habitat groupé, en fonction de l’importance relative du privé et du collectif ; - choix du type de logement (T1, T2, T3) et du type d’habitat (individuel – maison / collectif- immeuble) ; - la taille et l’emplacement des espaces communs par rapport à l’ensemble du projet, avec une attention particulière aux espaces spécifiques tels que les espaces de circulation, les espaces verts (comme un jardin partagé), la buanderie, les éventuels bureaux, les sanitaires communs, un garage à vélos, des rangements communs, etc. ; - les adaptations nécessaires à la perte d’autonomie ou au handicap en fonction du type de public accueilli (dimension des espaces de circulation, aménagement des salles de bain, aménagement lumineux, ascenseur etc.) ; - les synergies possibles entre partenaires associatifs en termes de locaux (dynamique de tiers-lieu par exemple) ; - l’agencement d’ensemble, l’ergonomie des lieux de vie et l’impact sur la vie sociale et partagée : occasions de rencontres dans les circulations et les espaces intermédiaires, facilité de veille mutuelle, respect de l’intimité, facilité d’intervention des salariés. Un premier cahier des charges architectural est nécessaire très tôt dans l’étude de faisabilité à destination des partenaires institutionnels et des partenaires immobiliers. Ce cahier des charges sera amené à évoluer, notamment par l’implication des futurs habitants et de leurs représentants.

Les différentes formes d'habitat inclusif selon la loi ELAN

L’article L281-1 du CASF rappelle que « L’habitat inclusif peut prendre différentes formes et être constitué dans le parc public ou privé :

Colocation dans le parc social ou privé => l’article 128 de la loi ELAN ouvre la colocation dans le parc social ; Logements autonomes destinés à l’habitation situés dans un immeuble ou dans un groupe d’immeubles comprenant des locaux communs dans le parc privé ou social ; Dispositifs d’intermédiation locative non financés par le programme 177 de l’Etat ; Logements-foyers constituant une solution de logement pérenne et ne bénéficiant pas d’un financement de l’aide à la gestion locative sociale correspondant au programme 177 (résidence sociale) ou de l’hôte (pensions de famille, résidences accueil). » Selon la circulaire interministérielle du 6 septembre 2021, « deux solutions sont à privilégier pour créer des habitats inclusifs en logement social : Les logements-foyers accueillant des personnes handicapées (PH) ou des personnes âgées (PA) qui ne sont pas des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) ; Les logements dit « article 20 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV) », mentionnés au troisième alinéa du III de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation »

Quel(s) rôle(s) pour le porteur de projet ?

Le porteur de projet peut faire le choix d’être à la fois propriétaire, bailleur, animateur de vie sociale, ou assumer quelques-uns de ces rôles seulement. Les enjeux diffèreront selon le niveau d’implication et le rôle qu’il souhaite occuper dans le projet.

1/ Le porteur de projet est le propriétaire immobilier

Si le porteur de projet fait le choix d’être le propriétaire immobilier, voici les différentes formes possibles de propriété qui s’offrent à lui et les conséquences pour la structure porteuse et pour les habitants.

Formes de propriété

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2/ Être locataire dans un habitat API

Selon les choix du porteur de projet et les caractéristiques du propriétaire, le projet pourra relever soit du logement social, soit du locatif privé classique. Voici les principales différences à connaître : - Locatif Social Ce montage est notamment possible lorsque le propriétaire du bâti est : un office public de l'habitat (OPH) ; une entreprise sociale pour l’habitat (ESH) ; une société coopérative d’HLM (COOP HLM) ; une société d’économie mixte (SEM) ; une foncière sociale ; une collectivité locale (ex : une commune) ; un organisme ayant l’agrément Maitrise d’ouvrage Insertion (MOI). Ce montage implique un niveau de loyer encadré, soumis à des plafonds de ressources pour le ou les locataires. Les locataires des logements pourront alors bénéficier de l’APL (aide personnalisée au logement). A noter qu’il existe 3 niveaux de loyers dans les logements sociaux, fonction du financement public (prêts consentis par l’Etat) : logement de type PLAI (logements dont les loyers sont les plus bas sur le marché, destinés à des personnes avec très peu de ressources), logement de type PLUS (niveau intermédiaire) et logement PLS (tranche supérieure).

- Locatif privé classique Dans ce cas, le propriétaire du bâti est un propriétaire privé (personne morale ou physique). Le porteur de projet et le propriétaire ont toute liberté contractuelle pour signer un bail, les loyers n’étant pas encadrés. Habituellement, un bail privé est signé pour 3/6 ou 9 ans. Ce montage donne lieu à des loyers libres (ouvrant droit à l’Allocation Logement selon les ressources des habitants) ou modérés si le logement a bénéficié d’aides de l’ANAH (ouvrant droit à l’APL pour les habitants et à une réduction d’impôts pour le propriétaire). Le locataire n’a pas à respecter de plafonds, sauf dans le cas d’un logement conventionné ANAH.

3/ La gestion locative de l’habitat API

Quel que soit le type de montage (locatif social ou privé classique), le porteur devra s’interroger sur les modalités en termes de gestion locative. Là encore, deux possibilités s’offrent aux propriétaires et/ou bailleurs. Soit le propriétaire est le bailleur et loue directement les logements aux habitants. Soit le porteur de projet prend un bail auprès du propriétaire puis sous-loue aux habitants les différents logements dans le cadre de l’intermédiation locative (IML). On parle alors de sous-location. La sous-location respecte des règles différentes en logement social et dans le secteur privé. Dans le logement social, selon l’article L442-8-1 du code de la construction et de l’habitation , il est possible de louer « à des organismes bénéficiant de l'agrément relatif à l'intermédiation locative et à la gestion locative sociale prévu à l'article L. 365-4 en vue de les sous-louer ». Il est donc nécessaire d’obtenir ces agréments pour sous-louer des logements sociaux dans leur totalité. Il est possible de sous-louer dans un logement du secteur privé sans agrément particulier. Le locataire « doit au préalable obtenir l'accord écrit du propriétaire sur le fait de sous-louer et le montant du loyer pour la sous-location » .

Les points de vigilance dans le cadre de l’intermédiation locative :

  • le porteur de projet devra garantir le paiement des loyers (et donc financer éventuellement la vacance et les impayés).
  • Il devra également assurer les frais de l’intermédiation locative.
  • Enfin, cette configuration peut donner peu de latitude au porteur sur le choix, l’équipement, l’adaptation de l’habitat API aux besoins des habitants (conception architecturale, travaux d’aménagement).

4/ Quel modèle de gestion des espaces communs dans l’habitat API ?

Voici à titre d'exemple 3 modèles possibles

Un premier modèle

un double-interlocuteur sur la gestion locative, à savoir les logements individuels sont en gestion en bail direct par le propriétaire / bailleur et les espaces communs (notamment l’espace dans lequel se déroule la vie sociale et partagée) est en gestion de bail adressé au porteur de projet. Si cette solution est intéressante pour le propriétaire bailleur qui obtient une garantie de loyer de la part du porteur de projet, elle peut s’avérer complexe pour le porteur de projet qui, ressources financières dédiées, devrait refacturer ce loyer aux habitants en quote-part/loyer complémentaire, au risque de mettre les plus fragiles en difficulté de paiement.

Un deuxième modèle

est un interlocuteur unique sur la partie locative. Logements individuels et espaces communs s’inscrivent dans le cadre de l’intermédiation locative assurée par le porteur de projet. Si ce modèle rend la gestion plus simple et est sécurisant pour le bailleur, le coût de l’espace commun pouvant être important, un point de vigilance est à apporter sur la montant de la charge locative des espaces communs porté par les habitants.

Un troisième modèle

moins fréquent et en cours d’exploration, est celui d’un unique interlocuteur sur la partie locative (logements individuels et espaces communs, étant en gestion en bail direct assurée par un bailleur social), mais avec le statut de Local Commun Résidentiel donné à la salle commune qui portera le projet de vie sociale et partagée. Ce montage peut donner des avantages financiers intéressants au bailleur, permettant de limiter la surcharge de loyer pour les habitants-locataires, tout en sécurisant le bailleur.

Pour aller plus loin